Un philosophe
autrichien répond au Pape
Le discours du Pape Benedict XVI lors de sa
conférence intitulée “Religion, raison et violence” donnée
récemment à l'université de Ratisbonne en Allemagne a suscité
des réactions de la part d’intellectuels et populations
islamiques. Chose normale, dirait l’autre. Mais, il existe
d’autres réactions faites par des non musulmans. Parmi eux, un
philosophe en Autriche qui s’est élevé pour remettre les
pendules à l’heure. Il s’agit du penseur Hans Köchler qui a
estimé que le pape Benedict XVI a revivifié des préjudices
anti-islamiques moyenâgeux, dans un contexte marqué par une
tension croissante entre Occident et musulmans, causée par
l’invasion de certaines puissances occidentales contre des
pays islamiques. Pour ce professeur de l’Université
d’Innsbruck, «la fausse perception unilatérale de l’Islam
(qu’a montrée le Pape), ainsi que l’attitude hostile au
Prophète Mohamed, qui remontent à des centaines d’années
auparavant, ne peuvent qu’être brûlantes, et à même de miner
l’effort de son prédécesseur en terme de dialogue entre les
deux plus grandes religions monothéistes». L’intellectuel
autrichien qui compte plusieurs ouvrages sur le dialogue entre
civilisations et religions ne mâche pas ses mots. Selon lui,
«le Pape a tort au sujet de l'Islam à plusieurs égards». Ce
n’est point de simples allégations, puisqu’il n’y va pas les
mains vides. Les preuves à l’appui. Par exemple, «dans la
troisième partie de sa conférence, dit-il, le souverain
pontife se réfère à la sourate 2:256 du Coran - "Il n'y a
aucune contrainte dans la religion" - en tant que Sourate
intervenue durant la première période de l’Islam. Selon le
Pape, "(le Prophète) Mohamed était encore impuissant et sous
la menace", alors qu'en réalité, ce verset remonte à la
période moyenne (autour de 624/625) quand le Prophète était
déjà en position de force, commandant un Etat à Médine». Si ce
n’est pas mauvaise foi et préméditation, c’est quoi ? Ce n’est
pas tout, selon l’auteur de «The Concept of Monotheism in
Islam and Christianity», le pape est passé à côté de la
plaque. Ainsi, l’idée que le souverain pontife se fait du
«jihâd» semble, selon lui, «plutôt étriquée, ignorant jusqu’à
la signification originale des «hududs» (lois pénales
islamiques), et par là-même, Benedict XVI, en tant que numéro
un de l'église catholique, a malheureusement rétabli l'esprit
des croisades et aliéné la nation musulmane tout entière». Et
le comble de la préméditation semble être ce 3ème paragraphe
du discours du Pape, où il va jusqu’à emprunter une citation
d’un chef de guerre. Un pape, prétendant défenseur du dialogue
entre religion, s’allie ainsi à l'empereur byzantin Manuel
Paléologue du 14ème siècle.
Voici en l’occurrence la
citation qui a fait montre de tant de haine de la part du
pontife, mais aussi de ceux qui l’adoptent : "Montrez-moi au
juste ce que Mohamed a apporté de nouveau, et là vous
trouverez seulement des choses mauvaises et inhumaines, telle
sa volonté de diffuser sa foi et ses enseignements par
l'épée." Ainsi, il est difficile de penser à Benedict XVI,
comme un associé crédible dans le "dialogue des cultures",
estime le Président de l’Organisation Internationale pour le
Progrès (OIP), ONG consultative auprès de l’ONU! Et par
conséquent, il sera mal placé pour pouvoir inviter d'autres
religions à dialoguer, comme il l’a fait dans le dernier
paragraphe de sa conférence. Et de préciser que le Pape n’est
pas du tout sincère quand il fait sienne l’invitation à
"écouter les grandes expériences et les perspicacités des
traditions religieuses de l'humanité" et ses arguments contre
la violence et en faveur du dialogue «ne convainquent pas
aussi longtemps, surtout quand il ressasse les «sentiments
anti-islamiques de la période des croisades». Benedict XVI
veut dire que la compatibilité de la raison et de la foi, a
été la résultante de l’alliance entre raison grecque et foi
biblique, mais en intellectuel libre et d’une conscience
professionnelle intacte, M. Köchler a apporté son
rectificatif. L'Europe chrétienne médiévale n’a pu profiter de
cette association entre raison et foi que grâce à «l'influence
des philosophes musulmans - à un moment où les chrétiens
européens étaient totalement ignorants du Grec
classique».
Le philosophe autrichien est clair : Il y a une
tendance dans tout le discours de Benedict XVI à impliquer
l'Islam dans une attitude hostile à la raison. Volet violence,
le penseur autrichien a été des plus clairs. Selon lui,
«indépendamment des aspects savants problématiques et de
certaines contradictions dans son argumentaire, le pape semble
être plutôt hypocrite dans sa critique de violence effectuée
au nom d'un Dieu». Ainsi, le souverain pont
ife,
et «tout en se rapportant à la condamnation, par un empereur
byzantin, de violence au nom de l'Islam, a totalement omis
d’aborder la question de violence employée par l'église
catholique, des centaines d'années durant, contre des
musulmans et d'autres peuples qu'elle a considérés comme
non-croyants». Par ces attitudes, le Pape a mis l’église
catholique en dehors de tout partenariat honnête et crédible
en matière de dialogue interculturel, intercivilisationnel et
interconfessionnel au 21ème
siècle.
Repères
Prof. Dr. Hans Köchler,
président de la faculté de philosophie à l’université
d’Innsbruck en Autriche. Président de l’Organisation
Internationale pour le Progrès (OIP), qui est une organisation
non gouvernementale et organisation consultative de l’ONU.
Prof. Köchler est philosophe spécialisé dans la philosophie du
droit. Il est l’un des penseurs occidentaux les plus engagés
pour le dialogue des civilisations. Il a à son actif une
centaine de symposiums, de conférences, de congrès etc. dans
ce domaine que ce soit en Europe ou dans d’autres continents.
Parmi les philosophes les plus solidaires avec le tiers monde
et des causes arabes justes comme la question palestinienne,
la guerre contre l’Irak …
Critique par excellence de la
nouvelle colonisation et du modèle américain : le libéralisme
sauvage et inhumain. Critique du nouvel ordre mondial et de la
globalisation américaine qui n’est autre chose pour lui qu’une
attaque à la dignité humaine. Il a plusieurs publications,
quelques-unes d’entre elles sont traduites en arabe.
Nouri
zyad